exposition au 44 Gassendi
du 28 septembre au 31 octobre 2023
À la croisée des routes, usines et jardins, Capucine Lageat et Antoine Perroteau donnent à voir certaines des grandes transformations qui traversent nos territoires. Usant d’une photographie qui documente, ils interrogent notre place dans des environnements qui évoluent au gré du temps et des mutations politiques, sociales et économiques.
Une attention particulière est portée aux marges, aux territoires en périphérie des centres de concentration de richesses et de pouvoirs. Les séries Sur la trace du sillon industriel et Au-delà de la ligne 689000 nous permettent d’arpenter un quartier urbain désindustrialisé et une région rurale au cœur de la diagonale des faibles densités. Face à des espaces souvent stigmatisés et associés à des représentations négatives, les deux photographes renseignent avec justesse le bâti, ses évolutions et ses permanences. À Liège, on perçoit ainsi les traces omniprésentes d’un héritage industriel, témoin des richesses d’hier. La cheminée d’une ancienne usine trône sur le quartier et ses briques rouges. Dans le nord du Cher, on suit une ligne de train abandonnée, symbole du retrait de la puissance publique de ses territoires. Les rails tracent une voie d’exploration. Après le départ d’une partie de la population, des activités et des équipements, on y entrevoit ce qui reste. On croise en chemin la beauté de paysages naturels et les marques silencieuses d’une forme de déprise.
Le duo de photographes semble également vouloir nous interroger sur le devenir. La série Ivry-Port, Glissements Paysagés se penche sur une friche industrielle, un vide urbain au cœur d’une métropole mondiale. Ces espaces transitoires de contraste sont souvent associés à des formes d’engagement associatif ou politique. Ils apparaissent ici comme une page blanche, laissant libre court à nos imaginaires. Entre spéculation foncière, enjeux sociaux et transition environnementale, qu’en sera-t-il ? Les questions que nous posent ces photographies introduisent ainsi la dernière série ; Construire l’habiter traite d’une forme alternative d’habitat, l’habitat participatif. Par leur regard, on intègre et découvre cette voie de réappropriation collective de l’espace, cette façon d’habiter autrement. À contre-courant des dynamiques néolibérales qui façonnent et transforment les territoires, qui les font centre ou les marginalisent, jardins et bancs collectifs achèvent notre cheminement le long de cette exposition et dessinent d’inspirantes perspectives.
Anton Paumelle
géographe doctorant à l'EHESS